Depuis 2001, Jean-Louis Campora devient de plus en plus
critiqué au sein du club. Ayant accumulé les erreurs et une dette
collossale, l’omnipotent et inébranlable Président vacille pour la première
fois. Le Prince Albert nomme alors de nouveaux membres dans le comité de
gestion, dont un certain Jérôme de Bontin. Leurs missions ? Constituer une
sorte d’audit de la situation du club mais aussi réintégrer une voix
princière au cœur du club et superviser en lieu et place de Campora les
profonds changements qui vont à l’avenir s’opérer. En effet, l’ASM,
nouvellement ASMFC est passé en Société Anonyme Monégasque en 2001 pour
s’aligner sur le passage des clubs français en SASP, changement de statut
qui va augurer une certaine forme de « privatisation » du club. Alors que
l’association « Association Sportive de Monaco » détient le contrôle total
de l’ASMFC SA, la direction, Campora en tête, commence une réflexion afin
de faire entrer des investisseurs privés dans le capital du club. Seul
moyen pour l’ASM de se sauver d’une banqueroute totale et d’une relégation
administrative en L2.
Campora
commence alors à prospecter pour trouver un éventuel repreneur au club.
Mais déjà des discordances s’affirment entre le clan Campora du comité de
gestion et le clan du Palais. Le Palais, s’il accepte la vente de parts de
l’association à des intérêts privés, refuse catégoriquement la perte de
contrôle du club en souhaitant conserver au moins 51% des parts. Avec de
telles revendications, aucun repreneur ne serait susceptible d’être
intéressé. En effet, aucune fortune personnelle ni aucun grand groupe
industriel ne serait voué à injecter plusieurs millions d’euros dans un
secteur qui ne rapporte pas et dans un club de football qu’il ne
contrôlerait pas. Ajoutez à cela la condition princière de plus en plus déterminée
que cet investisseur privé soit d’origine directe ou indirecte monégasque
et l’on voit que l’opération devient tout à fait impossible. De plus,
Jérôme de Bontin que l’on annonce futur Président du club est même en
coulisse partisan de conserver le contrôle total de l’association,
d’accepter une relégation administrative du club et de reprendre tout à
zéro en Ligue 2 avec des finances assainies. Heureusement, le Prince Albert
se refuse tout de même à cette éventualité. Cependant avec de tels partis,
il parait alors clair qu’il n’y a pas que des intérêts envers l’ASM qui
sont en jeu : ils sont aussi politiques.
Le fait
est que sur la scène politique, nous sommes en pleine campagne électorale.
Et Campora qui à déjà brigué deux mandats de 5 ans depuis 1993 est cette
fois-ci rudement concurrencé par le parti d’opposition pour l’investiture
2003. Son leader, Stéphane Valeri est présenté comme un « jeune loup » qui
dispose d’un atout de poids : la faveur du Prince Héréditaire Albert de
Monaco. Il est ainsi aisé de comprendre toute la dimension que peu prendre
le conflit indirect au sein du club de football. Campora doit tomber et il
faut l’attaquer sur tous les fronts.
Jean-Louis Campora, en marge de sa campagne ne cesse de s’activer en
coulisses pour remettre le club à flot. Et il sort alors de sa poche la
carte du repreneur idéal, la société Fedcominvest. Multinationale russe,
mais dont le siège est basé en Principauté, Fedcom est déjà le sponsor
maillot depuis plusieurs saisons avec un contrat fort généreux pour un club
aussi peu vendeur que Monaco. La société, spécialisée dans l’exploitation
du souffre dispose de reins très solides et son Président, Alexei
Fedoritchev est un amateur du club. Pour prendre le contrôle de l’ASM,
l’homme est prêt à débourser 100 millions d’euros et monte un projet
ambitieux qui comprend la construction d’un nouveau centre de formation en
dur remplaçant les préfabriqués, la création d’un musée ASM et surtout un
plan d’investissement sur trois ans uniquement destiné au recrutement. Son
rêve « faire venir Shevchenko à Monaco ». En bref, un projet idéal, a
l’exception prêt que le repreneur n'a de
monégasque que l’adoption. Dès lors, tout s’accélère, un protocole d’accord
est signé le 11 décembre 2002 puis envoyé à la Direction Nationale
de Contrôle de Gestion de la LFP. Campora, lui s’empresse d’annoncer
publiquement son nouveau projet pour le club avec son nouveau
partenaire…….et son retour de force.
Malheureusement pour lui, il ira trop vite en besogne, car il faut
attendre le 21 décembre pour que le Comité de Gestion du club entérine
l’accord et le clan du palais s’atèle quant à lui à contrecarrer ses plans.
Mais le coup fatal est porté lorsqu’à peine quelques jours avant la réunion
du comité, le journal « Le Monde » fait une révélation fracassante : la
société Fedcom serait suspectée par les Renseignements Généraux français
d’être une « vitrine légale de la criminalité organisée d’Europe Orientale
» notamment avec des opérations de blanchissements d’argent sale. Or, fait
troublant, ce qui est révélé comme un fait d’actualité n’est en fait qu’un
délit de sale gueule qui est périmé depuis plusieurs années. La note des
Renseignements Généraux date en effet de 1997, les RG avaient effectivement
effectué par le passé une enquête sur la société Fedcom et n’y avaient
alors rien trouvé de douteux : affaire classée donc depuis plusieurs
années. Drôle de timing du « Monde » qui s’il voulait définitivement casser
une affaire en cours ne s’y serait pas pris autrement.C’est deux ans plus
tard que l’on apprendra le mot de la fin de cette histoire lorsque le
journal « l’Humanité » révèle les conditions de cette publication, c’est le
Prince Albert lui-même qui en serait responsable : « Le palais avait
d’ailleurs savonné la planche du Dr Campora en laissant " fuiter
" une note des RG français révélant que le principal sponsor de l’AS
Monaco aurait eu partie liée avec une mafia. ». Par la suite, le Monde
condamné logiquement pour diffamation sera amené à payé une indemnisation
record à la société Fedcom, mais en 2002, le mal est déjà fait. Le Palais
profite ainsi de la révélation du Monde pour exercer son veto sur l’entrée
de Fedcom dans le capital du club et le 21 décembre 2002, le comité refuse
ainsi officiellement l’accord. Un véritable camouflet pour le président
Campora. Pas découragé, Campora cherchera d’autres investisseurs, mais ni
les sombres italiens Finmatica, ni les étranges investisseurs allemands
n’aboutiront et pour finir, le Président de l’ASM se fait littéralement écraser
aux élections législatives de 2003 et perd tout pouvoir politique.
|